Nous sommes trois coureurs du DSA, Julie, Matt et moi, inscrits pour cette course mal connue au parcours aguicheur dans le cadre magnifique des aiguilles rouges près de Chamonix.
Cette année, cette course prend une teinte exotique car elle est support de 3 championnats nationaux; en effet, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et la Belgique y décerneront leur titre de champion national de ski-alpinisme, la classe!!
Cette année, c’est la douzième édition des championnats de Belgique; chaque année la fédération se greffe sur une manifestation existante mais toujours différente pour varier les plaisirs (mais malheureusement jamais sur le plat pays, ça demanderait d’être trop réactif ce qui ne colle pas avec une épreuve nationale bien que cela aurait été possible vu les quantités de neige présentes dans les Fagnes en décembre 2010 et 2011).
C’est donc une bonne occasion pour moi d’essayer d’aller y chercher mon premier titre national après la tentative avortée de 2011 aux Gastlosen (course annulée par manque de neige). De plus, après la déception de n’être pas prise ni à la PDG ni à la Pierra Menta, c’est devenu l’ “objectif” de ma saison.
L’enjeu étant de taille (au moins comme mon pays!), le stress me gagne dans les jours précédents la course, je fais même une sortie spéciale manips avec Julie à Chamechaude histoire de bétonner ma stratégie. En effet, nous sommes 5 filles en lice pour le titre mais je connais ma principale adversaire, Anouk, car nous avons couru la Belle Etoile et la Transvanoise ensembles en 2011. J’ai donc bien identifié ses points forts (départ ultra-rapide, montée sur piste) mais aussi ses points faibles (manips, parcours d’arête et descente).
Le parcours semble sur le papier me convenir assez bien, chaque montée se finit par un bout à pied, l’arrivée est plus basse que le départ donc plus de descente mais dans les faits, il sera plutôt équilibré car la première montée se fait sur piste (aïe, 500m de D+ horribles pour moi d’entrée de jeu) et les crampons et les longes resteront dans la voiture (autant de manips en moins). Bref, il y a donc pour moi une course dans la course, une place à défendre et je n’y suis pas vraiment habituée mais “à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire” (Le Cid, Corneille) donc va falloir s’accrocher et se faire mal.
Nous voilà donc partis vendredi soir, entassés à 3 dans la Clio avec tout le matos nécessaire à une course de ski-alp et à une journée chamoniarde (benne et gros fats pour une belle descente prévue dimanche, autant en profiter). Notre copine Julie Siniciali nous prête son studio des Houches avec vue panoramique sur l’aiguille du Midi pour y établir notre camp de base du WE, pas pire.
Samedi 7h, rendez-vous au pied du télécabine de Brévent pour le retrait des dossards et le briefing, la foule est dense et bigarrée, pleins de têtes inconnues et pour cause, les anglais, les hollandais et les belges sont venus en masse (51 sur 129 inscrits). L’organisation est un peu à la bourre mais finalement tout se ferra dans les temps et nous prenons la benne pour monter à 1810m sur le replat de la Farsa d’où sera donné le départ à 9h.
L’échauffement se fait dré dans l’pentu sur la piste qui servira de rampe de lancement à cette course, oh que j’aime pas ça… Je ne suis pas hyper sereine, ce départ raide, ces parties techniques qui ne le sont plus trop, la chaleur qui s’annonce me font douter sérieusement.
9h02, les fauves sont lâchés, Yannick Buffet prend directement les commandes de la course et moi derrière je tente de maintenir ma course à pied du départ quelques mètres supplémentaires sous les encouragements de Juju qui est bien plus forte que moi à cet exercice. Au bout de 200m, j’ai déjà les cuisses carbonisées et le coeur qui s’emballe, je ne peux pas continuer sur ce rythme et me résous à laisser partir Anouk tout en essayant de rester au contact. Y a pas à dire, elle est plus rapide que moi en montée pure, va falloir sortir de bonnes manips et de bonnes descentes et gérer l’effort au mieux car le parcours fait quand même 1800 de D+.
J’arrive au sommet de la première montée (2540m), quand elle bascule dans la descente, rien de dramatique donc, mon dépeautage est propre et rapide, je me lance à mon tour dans la face nord de l’Aiguille Pourrie qui est encore poudreuse mais que les skieurs devant moi descendent en dérapage car c’est un peu raide (3.3, 40° sur 150m). J’en dépasse quelques uns et arrive au repeautage avant Anouk, je fais à nouveau une manip propre qui me permet d’entamer la deuxième montée devant. Le jeu du chat et de la souris commence, un coup moi, un coup elle, c’est difficile moralement, je suis au taquet tout le temps, pas même le temps de regarder le paysage pourtant grandiose qui nous entoure car la course se déroule en grande partie dans la réserve naturelle des aiguilles rouges.
Je me fais dépasser dans la montée; décidément, je n’arrive pas à tenir le rythme qu’elle m’impose, je suis à nouveau obligée de laisser filer mais je recolle un peu lors du passage skis sur le sac pour arriver au Col des Lacs Noirs. La descente est bonne, en neige transfo bien lisse, sans difficulté donc je ne parviens pas à la rattraper dans la descente, faudra attendre le repeautage d’où je repars en tête (ça a du bon les nocturnes, même 3 mois après!!).
Commence alors la remontée de la combe Lachenal, qui en fait est une ancienne piste de ski bien trafolée dans laquelle les organisateurs n’ont pas trouvé nécessaire de faire une trace, à chacun donc de monter au mieux, je n’arrive pas à tracer raide, je suis donc obligée d’enchaîner les conversions et de voir passer quelques concurrents plus à l’aise que moi sur ce terrain. On débouche enfin au sommet du télésiège de l’Index à 2385m pour continuer sur la deuxième moitié de la montée qui nous mène au col de la Floria, commence alors pour moi une longue traversée du désert au sens calorifique du terme. Je souffre de la chaleur, je n’ai déjà quasiment plus d’eau et je suis obligée de me mettre de la neige dans le cou, dans la combine et dans le casque pour faire baisser ma température corporelle, j’en arrive même à m’arrêter deux fois dans la montée pour reprendre mes esprits. A ce moment précis, je suis persuadée que la course est jouée, je ne reviendrai jamais sur Anouk et je me résigne déjà à ma deuxième place tellement je suis mal. Au passage du col, je quémande un peu d’eau aux deux gendarmes qui sécurisent le parcours; malheureusement, ils n’ont que de l’oxygène à m’offrir, je décline leur proposition en espérant me rafraichir dans la courte descente qui suit.
S’ensuit la montée au col des Crochues, 2704m, il y a du monde sur l’itinéraire, nous sommes obligées de dépasser quelques dizaines d’alpinistes venus faire leur sortie hebdomadaire, c’est un peu galère car comme nous arrivons au compte goutte ils ont du mal à différencier les compétiteurs des autres et nous sommes obligées de batailler pour qu’ils nous laisse la super trace de montée dans le couloir. Cette circonstance de course me permet de revenir sur Anouk et de passer en tête dans la succession de parties à pied alternant avec des section à skis, toujours grâce à de bonnes manips (au moins une chose que je ne pourrai pas me reprocher).
Je m’engage dans la longue et dernière descente, je lâche tout, c’est ma seule chance de faire le trou avant la petite remontée finale jusqu’au refuge de la Flégère, je parviens ainsi à rattraper et à dépasser une poignée de concurrents parmis lesquels, Leanne, la première anglaise (présente à la PM, en équipe mixte, et à la Belle Etoile).
Matthieu m’attend à l’arrivée de cette longue descente de presque 1000m, je suis contente de le voir, ça sent l’écurie; je suis d’autant plus contente qu’ il m’annonce qu’il ne reste que 140m de D+, dans ma tête, il en restait 250m et en cette fin de course, 110m ça fait toute la différence. Je repars à bloc ne sachant pas quel écart j’ai pu creuser mais après quelques conversions, je me retourne et comme je ne vois personne derrière moi, je lève un peu le pied surtout que la pente sous le refuge se raidit méchamment et que je suis “couite” comme on dit chez moi.
Je suis donc la première belge à franchir la ligne d’arrivée après 3h04 de course poursuite bien disputée. Anouk arrivera en deuxième position deux minutes et demi après moi et Veerle, la troisième belge qui complète le podium, 31 minutes plus tard.
Au final, je finis 64è au scratch (sur 119 arrivants), 6è féminines (sur 21) et 4è senior (sur 15), sans doute le meilleur classement de ma saison.
Matt et Julie font également une belle course; Matt finit 13è au scratch et Julie 82è. Julie qui aura aussi fait une course serrée avec Annemie (championne du Luxembourg si la compétition avait existé).
Le repas d’après course s’est déroulé dans une super ambiance avec une météo plus que printanière au refuge de la Flégère, face au Mont-Blanc.
Pour profiter du déplacement et du fait d’être à Cham, nous enchainons dimanche avec une sortie en montagne, direction l’Aiguille d’Argentière en montant par le glacier du milieu. Il faut être patient car pour être à 10h sur les skis, il nous aura fallu plus de deux heures soit: faire la file aux caisses des Grands Montets, faire la file à la première benne, refaire la queue pour la deuxième benne et enfin prendre pied sur le glacier où l’affluence est digne de la Place Grenette.
Pour tenter de faire couleur locale, nous avons tous les trois sortis nos “gros” skis mais on se rend très vite compte qu’avec 84 en patin, ici, on fait rire car la moyenne se situe plutôt à 90. Pour ma part, la transition entre mes allumettes d’hier et mes nouveaux skis d’aujourd’hui (c’est le baptême des Baltoro) fait mal aux cuisses. Si on ajoute en plus l’altitude, la vitesse ascensionnelle prend un sacré coup. Heureusement, on n’est pas pressé, il faut de toute façon que la face décaille.
Après le passage de la rimaye, le reste de la montée se fait à pied dans une bonne trace pas trop raide. A ce moment, j’ai une pensée admirative et un peu inquiète pour Nat’n’Co et leur tractage au Grand Paradis; vu comme je suis déjà bien essouflée à porter mes skis, j’aurais été bien incapable de tracter.(on saura plus tard, sur la route du retour, que tout s’est bien passé pour eux et qu’ils ont remarquablement franchi la barrière des 4000m).
Après une pause bien méritée et un grand tour d’horizon, nous quittons le sommet vers 14h30 avec au programme, une belle descente de 2700m qui s’offre à nous puisque ça skie jusqu’à Argentière.
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Karo