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Ce 22 avril avait lieu la mythique course de ski-alpinisme “Trofeo Mezzalama”. A travers ce compte-rendu, j’espère vous transmettre les émotions que j’ai ressenties durant cette épreuve, en essayant de vous la faire vivre de l’intérieur !

Cette saison fut ma première en ski-alpinisme de compétition : j’ai découvert ce sport à travers les courses françaises et plus précisément la Pierra-Menta. N’osant pas m’attaquer à ce monument dès ma première saison, j’allais clôturer celle-ci en ayant participé à de superbes courses, mais “de petites ampleurs”. Cependant, à la fin de la 4ème journée de la Pierrament’ (c’est comme ça qu’on dit dans le milieu !), à laquelle j’étais venu en spectateur pour encourager les copains, Simon et Vincent du BGSA viennent me voir. Ils venaient tout juste de finir le contre-la-montre du 4ème jour, un peu frustrés de cette Pierra un peu particulière à cause de la mauvaise météo. Ils me disent : “tu ne voudrais pas venir avec nous à la Mezza’ ?”.

J’accepte ! Et me voilà donc embarqué avec deux énervés qui ont deux fois plus de dénivelé que moi (au moins !) dans les jambes…

Ambiance

La Mezza’ (SPOIL : je l’ai fini donc je peux dire “Mezza'” 😉 ) est une énorme balade qui se passe tous les deux ans en Vallée d’Aoste (Italie), au départ de Breuil-Cervinia. L’idée, c’est de traverser tous les glaciers du Mont Rose, pour arriver à l’autre bout, à Gressoney-la-Trinité.

Quelques chiffres pour donner le ton : 45km de traversée, 3300m de D+, un parcours à plus de 3500m d’altitude en moyenne, et 3 sommets à plus de 4000m ! Pour pimenter le tout, la course se déroule en équipe de 3, et la plupart du temps encordés. Oui oui, à la descente aussi.

Le parcours.

Allez c’est parti, on arrive là-bas à 15h. Il pleut des trombes, on voit rien, ni le Cervin ni rien du tout d’ailleurs. On va chercher notre dossard, et notre veste Mezzalama pour se la péter sur les prochaines courses à saucisson. Et là, ça commence bien ! Simon n’a pas de certificat médical ! A deux doigts de ne pas pouvoir récupérer notre Graal, l’organisation accepte finalement de valider avec sa licence sans poser trop de questions. 18h30, c’est parti pour le briefing ! Long ! Et en plus, seule la première phrase est traduite en français ! Tout le reste en italien et anglais. Bon, au briefing, tu sens que ça ne rigole plus et que c’est un autre style de course, hors norme ! Les guides décrivent le parcours, avec des parois en glace, les crevasses, les arêtes perchés à 4000m. On y reviendra plus tard… Finalement le départ est décalé d’une heure au vu des conditions en altitude. Tant mieux, on pourra dormir.

Fin du briefing, à la soupe. Après avoir englouti des gnocchis et une plâtrée de polenta, on va se coucher dans le camion au pied du Cervin, qu’on ne voit toujours pas.

Grosse journée en perspective

Le Cervin nous surveille.

Le réveil sonne, je me lève : il fait encore nuit mais le ciel est dégagé. Le Cervin est là, je le vois enfin en vrai après l’avoir eu 3 ans sous le nez tous les jours, mais en photo. On déjeune, on se change en vitesse et c’est parti ! On arrive sur la ligne : un monde de fou, ça grouille partout ! Le soleil commence à se lever et à venir lécher le sommet du Cervin, encore entouré d’étoiles. C’est à tomber par terre. On ne va pas tarder à s’élancer, la pression monte, mais on a hâte.

Allez go ! C’est parti, tel un défilé contre la réforme des retraite, nous sommes 700 coureurs dans une émotion folle à la “conquête du paradis” ! Ce thème du film 1492 par Vangelis résonne en nous comme issu de tous les clochers du bourg ! Battant les pavés de l’allée principale, les coques carbone des Gignoux sont déjà en sueur…

Les fauves sont lancés !

Au bout de 500m, on arrive sur les pistes. C’est parti pour 1700m de D+ d’une traite, jusqu’au col du Breithorn à 3800m.

Au bout de 10 minutes, on comprend vite, Simon et moi, que Vincent n’est pas dans son assiette. Malgré cela, les conditions sont au top pour le moment, et je mate le Cervin toute la montée. On arrive au col du Breithorn, où se situe la première barrière horaire, à 3h de course, en 2h50 !… Le temps s’est gâté, on ne voit plus grand-chose. Vincent est livide, on est obligé de l’aider à s’habiller et je lui fais son nœud d’encordement. On se couvre car ça caille, et on repart avec pour objectif le sommet de Castor (4226m), mais surtout la deuxième barrière horaire qui est au refuge Quintino Sella, au bout de 6h de course.

Arrivée au col du Breithorn.

Arrivés au pied du Castor, on se retrouve face à une pente de glace qui mène à l’arête. Les guides ont taillé des marches à la pioche et à la hache (juré, j’ai vu les haches sur le parcours, et j’ai pourtant pas croisé d’arbres !) et ont installé des mains-courantes, pour ceux pas trop en confiance. Mains-courantes, soit dit en passant, avec des ancrages vraiment espacés ! Après un peu d’attente dans la face, on débouche enfin sur l’arête. De l’autre côté — par l’opération du Saint-Esprit du skimo — se dévoilent les énormes glaciers de l’autre versant ! C’est assez incroyable de voir cet océan de glace, à en faire pâlir les glaciers du Mont-Blanc.

La montée au Castor.

L’arête du Castor est vraiment esthétique et impressionnante ! (Voir la vidéo en bas de page). On comprend que cette course incarne vraiment la notion de ski ET alpinisme. Simon me suggère d’accélérer de peur qu’on se prenne la barrière horaire. J’écoute ses conseils et on se dépêche de rejoindre le refuge avec une descente à ski, encordés, qui contribuera bien à nous fumer les cuisses. D’ailleurs, je sens que je commence à subir un peu l’effort et l’altitude…

On arrive au refuge en 5h58min et 30 secondes. 1min30 seulement avant la barrière. On voit ceux derrière nous qui arrivent après 6h de course être stoppés par l’organisation ! On sent qu’on a eu chaud aux fesses ! On se dépêche de repartir de la zone d’ailleurs, de peur que l’organisation nous confonde avec d’autres ! C’est dommage : j’aurais bien récupéré un peu avant de repartir, car à partir de maintenant, c’est le début de l’enfer…

Highway to hell

On repart directement vers le Naso du Lyskamm (4272m). Un long faux plat montant permet de rejoindre le pied de la face. Je me mets en bout de corde, rincé comme jamais, et je me laisse tirer par Simon au milieu, et Vincent devant qui a repris un peu de poil de la bête. Ma caisse de poisson pané et moi, on parvient malgré tout à rejoindre le pied de la face (big up à Simon qui aura fait le tracteur durant la deuxième partie de course). Livide, je suis encouragé par Pierre, contraint de faire demi-tour à cause de la perte d’un de ses crampons…

Le Naso du Lyskamm, dernière difficulté de la journée.

Rebelote : ski sur le dos, un peu d’escalade dans les cailloux, mur de glace avec les marches “made in Italia”, et la dernière pente en neige. Main-courante en déco, et soleil disparu à jamais. On fait la montée dans le brouillard, je monte comme un retraité qui tente de faire l’Everest. Heureusement que Simon perd ses crampons tous les 500m, ça me permet de récupérer. On arrive sur l’arête, et là, 4 équipes reviennent vers nous dans le sens inverse. On ne comprend rien, on s’arrête, on attend dans le froid. Ils reviennent dans l’autre sens avec un guide qui nous escorte dans la descente pour nous montrer le chemin. Les équipes n’arrivaient plus à voir le chemin de descente ! Du coup on trace avec le guide, jusqu’à la plateforme de rechaussage pour remonter la dernière montée vers la Roccia della Scoperta (4177m).

La pente en glace au Naso.

Sauf que ! Le guide décide finalement de stopper la course là. D’accord. Les guides se ramènent, on attend les dernières équipes (une dizaine), les survivants ! Et comme une petite tribu réunifiée, on descend tous ensemble sur le glacier, escorté de nos guides italiens. On repeaute pour remonter direction la Roccia, sauf qu’on bifurque peut-être 100m sous le sommet pour rejoindre directement la descente finale.

Alors là, attention, je vous vois derrière votre écran : “Ah mais en fait ils l’ont pas fait en entier ! C’est pas validé, gna gna gna !”. Personnellement, je me la valide car après tout ce qu’on a enduré, on était plus à 100 mètres près, et on les aurait fait ! Bref, on attaque la descente encordés (un peu farcis, on va pas se mentir), et là, c’est un massacre. Simon est au milieu de la cordée, il se fait faucher tous les deux virages par la corde. Première gamelle, ok. Deuxième gamelle, ça commence à gueuler. Troisième gamelle, la corde réussit même à lui déverrouiller ses pompes. C’est la goutte d’eau : les jurons volent dans tous les sens, la corde en prend pour son grade, je pense qu’il va adopter le “free solo” en ski-alpi. Tout ce joyeux spectacle sous les yeux ébahis des guides italiens ! Un guide nous proposera même à ce moment-là (par pitié, soyons clair) : “vous pouvez retirer la corde si vous voulez…”.

Libération ! Une fois la corde enlevée, nous nous élançons dans le pente comme des oiseaux qu’on libérerait de leur cage. On enchaîne les virages, et on dévale les 2500m d’altitude qui nous sépare de l’arrivée à toute vitesse. Avec Vincent, on s’arrête tous les vingt virages tellement on est cramés, tout ça en skiant à un rythme de CAFiste dans un hors-piste pourri aux allures de Verdun.

On réussit enfin à arriver en bas, et on rejoint les tentes de l’arrivée pour récupérer nos affaires, sans passer l’arche (ne nous jugez pas). On va s’asseoir peinards sur notre banc, satisfaits de la tâche accomplie et du travail bien fait. Puis, quand même, on voit que les speakers sont encore sous l’arche, et on comprend qu’ils attendent toujours “l’ultima squadra”. Serions-nous les élus que tout le monde attend ? Est-ce pour cela que tout le monde retient son souffle dans la foule ? Ni une ni deux, on reprend nos skis et nos sacs, et on retourne en arrière pour passer sous l’arche. 11h26 pour finir ce chantier. Et on ne sera même pas derniers, mais avant-derniers ! (Je ne compte pas les abandons, disqualifiés, hors temps, ou même ceux qui finissent à deux pendant que le troisième cherche ses crampons puis descend par l’esthétique via cordata sous le refuge Quintino Sella ! 😉 )

La récompense

Si tu es resté.e jusqu’à la fin, déjà merci ! La Mezzalama est une course dont je n’avais pas capté l’ampleur, étant nouveau dans le monde de la compétition. C’est une course exceptionnelle, dans un cadre grandiose et qui incarne parfaitement le ski-alpinisme. La Mezza demande d’être un athlète en forme, mais aussi un montagnard avec un minimum d’expérience pour être à l’aise en altitude, gérer les passages techniques, manier la corde, et optimiser les transitions. C’est une expérience à vivre.

L’équipe à l’arrivée, exténuée, mais fière !

Un grand merci à ma cordée de m’avoir proposé : merci à Simon de nous avoir tirés une bonne partie du parcours et d’avoir su être lucide quand il le fallait. Et gros respect pour Vincent qui aura vécu les 11h26 les plus dures sur les skis de sa vie, mais sans jamais lâcher.

Bravo également aux autres coureurs du DSA : Benjamin et son équipe qui finissent en 8h55, et la cordée de François, Guillaume… et Pierre, classée “officiellement” en 9h42.

Merci à l’organisation, vraiment au top, et à dans deux ans !

Quelques vidéos glanées sur le net…

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