Samedi matin, après le rencart au Péage de Vizille, nous nous retrouvons à 5 dans la voiture de Julie (avec Karo, Thomas, Cécile et moi). Au Lautaret, la foule des grands jours nous incite (surtout moi d’ailleurs) à aller chercher un brin de solitude en poussant jusqu’au Pont de l’Alpe, quitte à porter 20 minutes si la neige n’est pas présente en quantité suffisante. C’était aussi le programme initial, et l’idée d’aller faire une belle boucle sous les tours calcaires du Queyrellin me bottait bien.
Pour la solitude, c’est réussi: nous sommes la seule voiture au parking et nous ne croiserons personne avant le retour aux chalets. La neige, elle, est suffisamment présente au départ pour chausser à la voiture (50m linéaire de portage à la descente).
Dès l’Alpe du Lauzet, on voit que le vent a été bien présent durant les dernières chutes. La montée en versant ouest du col du Chardonnet se fait donc, après un rapide conciliabule, par une croupe où l’on devine que la nouvelle neige est quasiment absente. La montée est un peu pénible (pas mal de conversions) mais à mon sens (et celui de Thomas) a peu près exempte de danger. On évolue soit sur de la vieille neige, soit sur des plaques très denses de neige soufflée dont la cohésion est très forte. On se dit d’ailleurs qu’au final il n’y a pas beaucoup neigé dans le secteur. De plus, aucune plaque n’est partie aux alentours, les clignotants sont donc plutôt au vert quand on débouche au col.
Le col du Chardonnet ressemble plus à un plateau qu’autre chose et la première partie de la descente nécessite de pousser sur les bâtons. Je suis devant et bascule dans des pentes douces. A gauche, une pente plus raide m’invite à la prudence (cf (1) sur la carte) et je reste dans une combe de pente faible (20-25 degrès). En 10 courbes, je suis en bas et regarde les autres descendre.
Nous poursuivons la descente sur une partie quasi plate et les premiers signaux d’alerte apparaissent: premier “Waouf” sous les skis (2) et des plaques déjà parties sur le versant Nord-Est assez raide d’un talweg (3).
Le Talweg et une plaque |
On décide de faire demi tour après avoir vu une ligne de fracture sur une pente vraiment faible (25 degrés?) et par laquelle nous aurions du passer pour rejoindre le vallon de la Casse Blanche. La décision est unanime et est prise en 30s (4).
Cassos, ça craint! |
Nous remontons d’abord par nos traces de descente, puis pour éviter les pentes NE que nous avons empruntés à la descente, nous obliquons à droite pour remonter le versant SW sous la Cée blanche. Je suis devant avec Thomas, Julie et cécile sont à environ 300m sur le replat. (5)
Un grondement sourd se propage derrière nous, je pense d’abord à un avion volant bas. On se retourne, le spectacle est grandiose 😉 . Vu d’où nous sommes, nous voyons bien que les filles sont en sécurité. Thomas a la présence d’esprit de me dire de filmer. Ma carte est presque pleine et je n’ai que 5secondes de film au final.
Plus bas, pour Julie et Cécile, les choses ne sont pas si confortables. Comme le relate Julie dans son très complet CR de skitour:
“En passant au pied de notre pente raide évitée à la descente, un “wouf” puis deux, puis trois et c’est toute la pente qui se décroche. Trois d’entre nous sont en sécurité plus haut, avec Cécile après un moment de panique on s’éloigne vite fait ne sachant pas où la coulée va s’arrêter. Pas de mal on était finalement assez loin mais la décharge d’adrénaline est bien là! Le volume de neige mobilisé est vraiment impressionnant, on ne fait pas les fiers”
Au final la zone de dépôt doit être à une petite centaine de mètre de la trace et la hauteur max de la zone de rupture de l’ordre du bon mètre.
Notre descente en rouge et la remontée en vert |
La zone de dépôt et les filles plus bas |
La descente initiale et la partie plaquée en haut à droite |
Au final ce qui a déclenché la plaque doit être une combinaison de trois facteurs:
- le fait que nous soyons passé juste au dessus 30 minutes plus tôt
- le réchauffement avec le soleil qui donnait sur la face depuis le matin vue l’orientation
- la waoum dans la cuvette pour la touche finale (et décisive)
La fin de la montée se fait en visant les zones quasi plates, mais, même là, on serre les fesses… Encore un waoum dans du 10 degrés, et une sortie un peu plus raide sur quelques métres que nous remontons un par un, et nous voilà sur le plateau d’où l’on a une belle vue sur la zone de départ (et sur nos traces de descentes passant qqs mètres au dessus…)
1m à la rupture! |
On rentrera en suivant notre croupe de montée en face Ouest sans d’autre frayeur et une descente pas si mal:
Petit débriefing au Chalet… Les points positifs:
- On n’était pas 25 à descendre dans la face à chercher des contrepentes vierges ou même à aller tâter la plaque à la descente
- Notre itinéraire de repli était à l’écart de la zone à risque.
- Pas d’hésitation dans le groupe sur le choix du demi tour et de l’itinéraire de remontée
Mais malgré tout ça on s’est quand même fait bien surprendre par ce déclenchement à distance (et/ou à retard?) et par la quantité mobilisée… On savait que le vent d’Ouest avait été fort mais on a sans doute sous estimé le transport entre la face W déplumée et la face Est surchargée. Après coup on se dit que la configuration du terrain était effectivement idéale au dépôt de la neige transportée juste après la rupture de pente du plateau.
Le lendemain, l’ “autoroute” du Pic blanc et de la Pointe de roc Noire ne sera pas boudée…